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Sortie de “Page Comann”

Mercredi 8 juin à 19 h à la librairie Lucioles de Vienne, Gérard Coquet (invité cette année sur Riv’age) était présent, pour expliquer le choix d’écrire sous pseudonyme, en compagnie de Patrick Manoukian.

A quatre mains, les deux auteurs ont publié Souviens-toi de Sarah, sous le nom de plume : Page Comann.

Renaud, le libraire, a guidé cet échange pour nous faire découvrir un certain nombre de ficelles, concernant l’écriture sous pseudo, l’écriture à quatre mains, et l’écriture éditée, tout court.

L’écriture à quatre mains, de quoi s’agit-il ?

Gérard Coquet : Derrière un roman, il peut y avoir deux auteurs. Mais c’est comme lorsqu’on conduit une voiture. Il ne peut y avoir qu’un seul conducteur. L’autre étant passager. Il faut choisir qui guide. C’est à tour de rôle.

Précision : Gérard s’est occupé de l’écriture du journal intime de Sarah, une ado, en Irlande, dans les années 60. Patrick, lui, se chargeait de l’écriture de l’enquête contemporaine, nourrie par les extraits de journal, envoyé à un éditeur, qui cherche à comprendre si le témoignage est authentique.

Page Comann n’existe pas, donc ?

Patrick : Nous avions l’intention de monter un canular et de faire croire que ce pourrait être un auteur irlandais, au sexe indéterminé. Nous lui avons créé une adresse postale, en précisant que l’auteur faisait le tour du monde mais avait un pied-à-terre en Irlande. Un complice recevait notre courrier, là-bas. Nous voulions éviter de donner notre vrai nom, afin de vérifier si un livre a les mêmes chances d’être accepté quand son auteur n’est pas connu.

Précision : Patrick est célèbre sous le nom de Ian Manook (pseudo pour le polar, constitué en créant un prénom avec le suffixe de son nom de famille. Manouk-ian, Ian Manook)

Gérard : Page Comann est la contraction du début de nos prénoms (Pa- pour Patrick et Ge- pour Gérard) et de nos noms de famille (Co-pour Coquet et Mann-pour Manoukian).

Pourquoi avoir voulu tromper les éditeurs ?

Patrick : pour vérifier que le marché est biaisé. Même chez Albin Michel, où les autres livres de Ian Manook sont publiés, nous avons reçu la lettre type de refus que la plupart des auteurs réceptionnent (« vous ne correspondez pas à notre ligne éditoriale »). C’est le nom qui fait vendre, et non pas le livre lui-même.

Gérard : les maisons d’édition croulent sous les propositions. C’est autour de 6000 manuscrits reçus par an. Peu sont lus, et des éditeurs comme Gallimard ont même choisi de fermer l’accès au comité de lecture. Ils ne conservent que les parutions de leurs propres auteurs.

Est-ce plus risqué, de « repartir à zéro », sans faire jouer la notoriété de votre nom ?

Gérard : Bien sûr.

Patrick : Oui, mais c’est ce qui est amusant, de ne pas être enfermé dans des contraintes de genre, ou de réécrire sans cesse le même livre, pour plaire au même lectorat. Cela nous évite cette pression stressante. D’autres grands auteurs nous envient.

Pourquoi écrivez-vous ?

Gérard : Pour m’amuser, c’est sûr. Et parce que j’ai une dizaine d’histoires qui se déroulent dans ma tête. J’aime en parler. C’est rare, de pouvoir discuter de ficelles d’écriture, et de demander sans jugement si l’autre aurait saisi telle piste, s’y serait pris d’une autre façon.

Patrick : J’ai 73 ans, je ne cherche pas à faire une carrière, mais à gagner le pari que j’ai fait avec ma fille Zoé. Deux livres par an, sous des pseudos différents, car ils appartiennent à des genres différents.

Pourquoi faut-il des pseudos quand on écrit plusieurs livres par an ?

Patrick : Cela n’arrange pas un éditeur qu’un romancier publie plus d’un livre tous les dix-huit mois, pour faire tourner sa maison d’édition. Et les libraires croient ne pas pouvoir vendre deux livres du même auteur durant la même année. Je contourne le système.

Gérard : Je regrette cet aspect « consommation » que l’on retrouve avec une écriture de plus en plus scénarisée, de moins en moins littéraire.

Justement, en parlant d’écriture, à quel genre se rapporte Souviens-toi de Sarah ?

Gérard : C’est un roman à l’anglaise, un polar.

Patrick : J’aime les îles, les steppes, l’Islande, et nous sommes tombés d’accord sur l’Irlande. Gérard a l’art de la formule. Chez lui, les vaches « broutent les nuages »

Gérard : Quant à Patrick, il crée du « pertinent imprévisible ».

Ce duo devrait fonctionner. Est-il appelé à poursuivre son œuvre collaborative ?

Marc (leur éditeur, chez M+) : le roman nous a plu sans que nous sachions qui en étaient les auteurs. C’est un futur « best-seller ».

Gérard : Page Comann peut servir à d’autres auteurs ou amis. Bizien, peut-être.

Nelly (l’agent de Gérard) : C’est un pseudo que je qualifierais de « valise ».

Tous : Oui, c’est ça. Page Comann vous invite à lire son roman Souviens-toi de Sarah.

La promotion sur l’ouvrage ne fait que commencer. Nul doute que vous trouverez l’occasion de rencontrer ce duo de choc près de chez vous !

Par Cendrine Bertani